À VOS CERVEAUX
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L'Universalite

Diplômes partout, université malade…

Posté dans Sujets de société — le 5 mai 2015

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Il suffit d’avoir connu le Québec seulement d’il y a 30 ans pour comprendre que la situation sociale a drastiquement évolué, surtout en éducation. Prenons un moment pour faire un bref portrait de l’évolution de l’éducation québécoise. (Hors Québec: La situation académique du Québec ressemble beaucoup à la situation du reste de l'Occident, voire du monde.)

Bien, bien avant…

Le Québec s’est d’abord construit sur un système éducatif relevant de la religion catholique, issue de la tradition, des mœurs et des dogmes de l’Église. C’était un système sans ministère de l’Éducation. La centralisation du système d’éducation était l’Église et ses convictions, de la curie (curés) à l’évêché (évêques), clercs… jusqu’aux sommets de la religion catholique. Bien sûr, le particularisme francophone propre au Québec était respecté : on enseignait la langue française, les bases du « cours classique », aux connaissances plus approfondies éventuellement. La base était le dogme religieux, puis la langue, puis ensuite les mathématiques… Le nombre de population aidant, les écoles étaient moins centralisées et denses. Souvenons-nous, dans le cas des écoles primaires, du cas des écoles de rang, pouvant accueillir quelques dizaines d’écoliers.

Il y a donc eu une densification et une centralisation des écoles depuis cette époque (lié évidemment, aussi, à une augmentation intense de la population).

L’éducation de la Révolution tranquille (1960 à fin des années 90)

L’éducation, avec la création du Ministère de l’Éducation du Québec est passée des mains de la religion catholique aux mains du gouvernement « laïc » (non-religieux). Le but avoué de l’entreprise a été, dans l’optique de la redistribution, des luttes sociales, et des courants d’émancipation (libération) occidentaux, de garantir l’accès à l’éducation à tous : faire en sorte que tous puissent lire, écrire, et comprendre les grandes notions de la connaissance humaine. On a donc instauré l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans (totalisant donc au moins 10 années de scolarité supposée sérieuse). Du moins, c’était le discours de légitimation. Tout le monde est d’accord avec ce genre d’idée. En effet, en se positionnant pour les intérêts du peuple, qui voudrait maintenir les gens dans l’analphabétisme et l’incompréhension du monde ?

Ceci dit, cette éducation n’avait plus comme valeurs centrales les valeurs catholiques, connectées au culte de Dieu, de la reconnaissance du Messie en la figure de Jésus-Christ, etc. Les valeurs remplaçantes furent « les valeurs humanistes » (héritées des « philosophes des Lumières »). Valeurs de démocratie, de respect de l’homme, de l’égalité, de la liberté en général.

Si les valeurs humanistes sont, fondamentalement et si elles sont appliquées, assez ressemblantes aux valeurs catholiques (sauf pour la reconnaissance de la divinité), l’idée commune de l’éducation, règle générale, restait la même dans les deux cas. Le fondement d’une éducation était de cultiver l’esprit de la personne : favoriser une élévation générale de l’individu, en l’abreuvant des connaissances ancestrales, des connaissances plus pratiques aussi, et en l’amenant, dans une perspective globale, à se poser les grandes questions de la vie. L’éducation était donc un passage escarpé, parfois ardu, où l’individu était amené à se poser une masse de questions, sur le monde, la réalité, pour en dégager de rares réponses, mais surtout, beaucoup de questions. Apprendre à apprendre, c’est surtout, finalement, apprendre à se poser les bonnes questions. Et les bonnes questions, ce sont les questions qui comptent le plus.

Ceci dit, l’éducation de la « société des diplômes » a changé. Fin des années 1990. Lentement, mais sûrement, on assiste à un glissement de l’éducation vers une nouvelle interface : « l’économie du savoir ».

Société des diplômes et économie du savoir

L’économie du savoir est une nouvelle étape vers la fin des années 1990, après la période « Ministère de l’Éducation » (MEQ), disons. D’ailleurs, en 2005, l’historique MEQ a changé de nom pour : Ministère de l’Éducation des Loisirs et du Sport, le MELS. Un changement de nom assez symbolique, surtout lorsqu’on constate ce avec quoi il est mêlé : les loisirs. Or, on sait que, antérieurement, l’éducation n’a jamais été un loisir ni une détente ou un divertissement. L’éducation nécessite une concentration, une assiduité, qui ne se trouve que dans un minimum de discipline et de sérieux (ce qui semble le contraire d’une activité de loisir).

Ainsi, l’économie du savoir est cette économie tertiarisée (où il y a eu des délocalisation des entreprises du secteur manufacturier donc : les usines de linge, les usines de production d’électronique, de production de produits intermédiaires et même de vente finale). Une économie tertiaire, c’est une économie qui importe la majorité des produits usinés, et qui ne fait que les accueillir sur le territoire national pour les vendre dans les magasins. C’est donc une économie dépendante des autres, et une économie qui se concentre sur les activités du secteur tertiaire : une économie des services (coiffure, commerces de proximité, tenue des centres d’achat, secteur bancaire, etc.) et surtout… secteur académique. L’économie du savoir, c’est l’Occident qui se dit qu’étant donné que les citoyens d’ici n’ont plus à aller à l’usine puisque l’usine est rendue à l’autre bout du monde, allons former ces citoyens pour qu’ils aillent se chercher un diplôme technique ou universitaire, pour qu’ils deviennent « des cerveaux » et puissent participer à cette « économie du savoir », là où la croissance économique devra maintenant s’appuyer sur la recherche et le développement, et où l’Université est maintenant vue non pas comme le lieu ultime du grand questionnement sur la vie et ses questions existentielles, des niveaux les plus profonds aux niveaux les plus superficiels, mais une question d’optimisation capitaliste et de rentabilité comptable.

Ainsi, la mission de l’Éducation avait été maintenue, (excepté pour l’éducation du dogme), de la transition du clergé catholique au Ministère de l’Éducation en 1960. Mais avec la transition du MEQ au MELS, vers la fin des années 1990 (et les réformes que ça a engendré aussi), l’Éducation a changé de nature. Elle n’est plus considérée comme le nutriment essentiel au développement de l’esprit et des capacités d’un individu, mais plutôt un facteur de production de valeur dans une optique capitaliste.

Donc, l’Éducation non plus pour « former des beaux esprits », mais plutôt, pour faire rouler une machine économique. Et c’est ainsi que les programmes sont devenus extrêmement précis, dénués de vision globale, et surtout, formant des petits boulons (étudiants) d’une machine géante (l’économie et la société), sans toutefois de regard critique et authentique sur le monde.

Les changements à l’Université sont :

- la multiplication des diplômes et des types de formation

- le nivellement vers le bas des exigences académiques

- le nivellement vers le bas des conditions d’admission

- le reformatage des programmes académiques pour répondre à une demande économique plutôt qu’une recherche des vraies interrogations qui occupent l’esprit de l’homme depuis des millénaires

Ces changements ont pour conséquence que dans une Université aujourd’hui, on peut croiser des étudiants qui :

- font 20 fautes par paragraphe

- ont passé leur scolarité à passer plus de temps à boire de la bière qu’à étudier

- peuvent se permettre (lorsqu’ils sont aux études à temps plein) de travailler 20-25 heures par semaine en allant se chercher tout de même des bons résultats, étant donné que les exigences académiques leur permettent de passer leurs cours en consacrant peu de temps à leurs études.

L’Universalite !

Un phénomène, peut-être concomitant au phénomène de l’économie du savoir est ce qu’on appelle ici l’Universalite (le suffixe –ite est souvent utilisé quand on parle d’une maladie, comme : dermatite, otite, pancréatite, rinite, etc…)

L’Universalite est une « maladie » du corps enseignant et du milieu « scientifique » à l’université. Elle s’est lentement installée, avec les années, parmi les esprits universitaires. Les symptômes de cette maladie sont les suivants :

- le cloisonnement des disciplines (« Si on fait de l’histoire, on ne peut pas penser avec des notions de philosophie, parce qu’on fait de l’histoire. » Exemple d’argument étrange d’un prof: « Oui mais tu es en histoire donc tu ne peux pas emprunter ça à la philosophie » etc.)

- la dictature de la note de bas de page (« Toute idée doit être appuyée par une note de bas de page »)

- la dictature des « auteurs vérifiés » (À l’université, chaque auteur ne se vaut plus. Les idées ne sont plus importantes, mais ceux qui les disent sont rendus importants. Donc même si l’idée est à chier, si elle vient de quelqu’un qui a un « prestige académique », c’est celle qu’on doit citer. Les universitaires ont un système de « Likes » comme sur facebook : à la place d’être des Likes, ce sont des Citations… 260 citations pour mon livre ! Wow. Exemple de phrase de prof : « Oui mais cet auteur-là, c’est quoi la légitimité de l’utiliser si personne le connaît ? ») Donc, toute idée doit non suelemnt être appuyée par une note de bas de page, mais d’un « auteur vérifié » dont le « prestige académique ne fait pas de doute ».

- la préférence marquée pour les cours et les notions de « quantité » (quantitatif, méthodes quantitatives et mathématiques) plutôt que de « qualité » (qualitatif, théorisation, contemplation imaginative et créatrice, réflexion profonde, hypothétisation et intuition pure par le vécu et les lectures théoriques). Ceci amène une tendance à l’obéissance, au machinalisme, à la répétition dogmatique d’éléments, à la non-remise en question de tout.

- la multiplicaiton du nombre de travaux à faire, et du nombre de pages de ces travaux (et des citations et notes de bas de page à fournir au minimum par page). On se retrouve donc avec des dizaines de milliers de pages par année par cohorte, avec une qualité très basse.

Cette situation et cette tendance, certains penseurs l’ont nommée « Le Naufrage » de l’Éducation.

Conclusion

L’Universalite (telle que nous, ici, l’appelons) est un problème qui est peut-être lié aux impératifs strictement économiques de l’ « économie du savoir » ou pas. Mais elle est un espèce de nouveau totalitarisme sur les esprits, qui formate de façon très sévère les esprits dans des cases de pensée restreintes et suffocantes, avec des méthodes strictes elles aussi. On a beaucoup entendu les étudiants, et même les professeurs, vers 2005 à 2010, se plaindre largement de cette tendance académique, souhaitant que ça cesse, afin de se recentrer sur la mission originelle de l’Éducation. Mais la tendance s’est maintenue, et les étudiants conscients du problème (qui avaient aussi connu l’Avant et l’Après) ont gradué, et les professeurs les plus récalcitrants ont pris leur retraite ou sont partis… Et une tendance, plus elle est longue, plus elle finit par devenir le quotidien et on s’habitude lentement.

C’est ainsi que beaucoup de nouveaux étudiants n’ont aucune connaissance de ces idées. Cela est grave parce qu’ils étudient présentement dans une « non-université », en ce sens qu’elle ne les forme plus comme elle en avait la capacité avant. Elle leur donne maintenant une formation directement formatée pour être légère, minimale et surtout, spécialisée pour une branche du système économique. Et cette façon de former, par-dessus tout, les éloigne de la pensée critique, les rapproche de la pensée unique, et leur inculque une forte propension à obéir.

« OBEY » comme dit la marque. Mais… après avoir lu ce texte, vous savez maintenant, que le système d’Éducation devra se recentrer sur sa raison d’être même, tôt ou tard… c'est-à-dire, éduquer. Et éduquer, cela n’a rien à voir avec des impératifs de profits. C’est une élévation de l’humain, et indirectement donc, une élévation de toute la société.

En terminant, pour savoir comment on s’élève en tant que société grâce à l’éducation (et qu’on maintient notre liberté), lisez l’article : L’Éducation rend libre, de la section « Clés de compréhension ».




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