Dissonance cognitive
Quand le réel semble irréel
Posté dans Clés de compréhension — le 21 octobre 2015
La dissonance cognitive est un concept surtout utilisé en psychologie, qui a une application réellement simple et importante dans la vie de chaque personne quotidiennement. En effet, prendre conscience qu’on puisse soi-même entrer en dissonance cognitive nous permet automatiquement de prendre du recul lors d’une discussion ou d’une situation. Voici donc ce qu’elle est.
Dissonance cognitive
« Dissonance cognitive » se décompose étymologiquement en : dis-sonance et cogito (cognitif). Dis-sonance signifie « ne pas bien sonner », ou « ne pas sonne en harmonie avec », puis cogito signifie « pensée » ou « réflexion » en latin.
Ainsi, tout est dit :
La dissonance cognitive, c’est une pensée qui entre en conflit avec les autres pensées qu’on a dans la tête, tout simplement.
Or, en quoi une pensée pourrait-elle ne pas bien s’accorder avec les autres pensées ? Dans quel genre de situation ?
Commençons par dire que chaque personne fonctionne avec un cadre de signification qui, pour cette personne, renferme une signification globale. La grande majorité des gens des pays occidentaux fonctionnent dans un cadre capitaliste et ont accepté l’idée que « dans la vie il faut travailler », « que chacun est libre de sa spiritualité et ses croyances », et que le relativisme est tout à fait banalisé. La majorité des personnes croit également que la terre est ronde.
Ainsi, voici l’exemple d’une pensée qui entrerait potentiellement en dissonance cognitive avec les pensées normales d’une personne d’un pays occidental : des éléments argumentaires tendant à vouloir attester que la terre n’est pas ronde.
Des pensées à l’effet que le travail est mauvais pourraient être reçues comme telles également, ou l’idée que quelqu’un qui ne s’assure pas de son Salut ira en enfer après sa mort (selon la religion catholique), entrera forcément en dissonance cognitive auprès d’une personne « laïque » athée ou agnostique, éloignée de la religion.
Ceci étant dit,
on pourrait résumer la dissonance cognitive en : toute idée qui viendrait ébranler l’édifice mental d’une personne.
Pourquoi la dissonance cognitive est souvent grave
La dissonance cognitive est naturelle, mais grave dans les cas où l’individu, pour maintenir son édifice mental intact, rejette toute pensée pouvant rendre cet édifice mental fragile.
Ainsi, ce qui peut être grave avec la dissonance cognitive, c’est que l’individu en se rendant imperméable à toute pensée dissonante, s’empêche littéralement de penser et d’ouvrir de nouveaux horizons à sa compréhension du monde, qui pourraient le rapprocher davantage de la vérité de la réalité.
Autrement dit, ça peut carrément vouloir dire se mettre la tête dans le sable comme une autruche qui refuse de voir.
Parfois les gens ont des croyances fondamentales extrêmement fortes. Lorsqu'on leur démontre que ces croyances fondamentales sont contredites par de puissants arguments, les gens ne peuvent accepter la nouvelle interprétation que cela doit amener. Cela crée une situation qu'on appelle dissonance cognitive. Parce que c'est d'habitude si important de protéger ses propres croyances fondamentales, ces gens rationaliseront, ignoreront et même nieront tout ce qui peut entrer en contradiction avec leurs croyances fondamentales. (Frantz Fanon)
Solution : la réharmonisation cognitive
Dans le parcours de la pensée, il est impératif de demeurer critique par rapport à toute pensée (même face à nos croyances fondamentales), et donc de rester ouvert à toute interrogation ou tout nouvel argument, même s’il entre en dissonance avec tout ce qu’on a pu croire sur un sujet avant de recevoir cet argument. Si tout notre édifice mental, c’est-à-dire, tout ce que nous croyions sur ce sujet, s’effondre d’un coup à cause de ce nouvel argument, il faut laisser s’effondrer cet édifice, car s’il était fondé sur le mensonge au départ, il doit s’effondrer parce qu’il n’était pas valide de toute façon. Il faut donc rebâtir un édifice mental sur des bases les plus véridiques possible, sur le nouvel argument plus véridique que l’autre, en reprenant les éléments de l’ancien édifice qui ont encore un caractère de vérité, lorsque cela se peut.
La réharmonisation cognitive (donc la réduction de la dissonance cognitive) peut être épeurante à prime abord, mais surtout, la réharmonisation peut prendre beaucoup de temps, suivant le schéma bien connu, résumé en cette phrase de Arthur Schopenhauer :
Chaque vérité passe par trois étapes. La première est celle d’être ridiculisée, la seconde est celle d’être l’objet d’une vive opposition, puis la troisième étape est celle d’être acceptée comme une banale évidence. (Arthur Schopenhauer)
Bien que la dissonance cognitive ne soit pas toujours reliée à ce schéma de Schopenhauer, ce qu’il est important de garder à l’esprit est l’idée d’étapes, et que chaque étape dans la réalité peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années !
Or, ceci pose un problème énorme quand la réharmonisation cognitive doit absolument se faire sur une très courte période, pour pouvoir poser une action rapidement et sauver une situation qui quelques mois plus tard, serait malheureusement irréversible.
Donnons un exemple :
Pensons à certains cas de médecine où un patient se fait donner par son médecin un pronostic de mort dans les trois prochains mois : « Monsieur, il vous reste trois mois à vivre. » Le patient, ayant été élevé normalement (dans le cadre de pensée majoritaire), a une immense confiance en son médecin. Son édifice mental cognitif sera fondé autour de cette idée que ce médecin est tout à fait digne de confiance, et que s’il le dit, il le dit réellement en connaissance de tout le savoir scientifique disponible à ce moment, et que ce médecin ne pouvant rien faire de plus que lui annoncer sa mort, alors il n’a qu’à régler ses dernières volontés et s’habituer à l’idée de mourir.
Or, quelqu’un ayant pris connaissance de son pronostic par l’entremise d’amis ou de la famille, n’ayant pas le même a priori au sujet du degré de confiance à accorder aux médecins ou au système de santé, contacte un jour le patient mourant, puis lui proposer un éclairage tout à fait nouveau sur son cas : l’idée que d’autres avis de médecins pourraient lui proposer un pronostic meilleur, voire le faire vivre 10 ans ou 20 ans de plus… Face à cette idée qui fragilise toute la confiance qu’il peut avoir envers son médecin, le patient a une réharmonisation cognitive à faire : accepter de revoir sa croyance en l’infaillibilité de son médecin, ou mourir dans trois mois.
Ceci étant dit, le patient ne peut pas attendre six mois pour faire cette réharmonisation cognitive, il serait peut-être mort ! En terminant cet exemple, disons que certains patients ont refusé un pronostic de mort dans les prochains mois, se sont fait traiter par d’autres médecins, voire même dans d’autres pays, puis mènent une belle vie aujourd’hui, alors qu’ils devraient être morts selon les prévisions de leur médecin. Ces situations existent réellement.
Cet exemple est très important parce qu’il indique que parfois… on n’a pas le temps de prendre des semaines ou des mois pour évaluer la vérité d'un sujet important. Il faut accepter un nouveau cadre de vérité et l’absorber rapidement, sans passer par les souvent trop longues étapes « ridiculiser, s’opposer, accepter ».
Conclusion
Accepter qu’on entre en dissonance cognitive fait partie de la compréhension de notre pensée en tant que personne pensante. Dans une conversation, des interlocuteurs peuvent utiliser des arguments qui nous semblent incroyables ou irrecevables, parce que tout ce qu’on a toujours cru sur un sujet entre en contradiction totale avec cet argument, et lui donner de la crédibilité nous obligerait de recommencer à zéro toute notre compréhension de ce sujet, étant donné que notre vision des choses n’est pas compatible. Or, ce qui importe, on le redit, ce n’est pas la fixité de notre vision des choses, mais c’est si notre vision des choses concorde avec la réalité objective et vraie (pour mieux comprendre l’idée de Vérité, voir notre article « La Vérité » où on développe sur le vrai et sur le faux).
Ainsi, en comprenant la dissonance cognitive, une personne est mieux préparée au débat d’idées, et en dernière instance, mieux préparée à recevoir des vérités qui choquent, mieux préparée à affronter la réalité telle qu’elle est, et donc devient presque immunisée à se comporter comme une autruche lorsqu’une idée inusitée la secoue.