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La Fête nationale du Québec!

Le 24 juin, c’est au tour du Québec de se laisser parler d’amour

Posté dans Actualité Québec — le 24 juin 2015

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Voici une superbe occasion de recentrer, comme il faut le faire périodiquement dans notre vie politique, les grands jalons qui ont permis au Québec d’exister, et d’abord et avant tout, la France. Clarifions d’entrée de jeu la nuance entre la « Saint-Jean » et la « Fête nationale ».

La fête nationale du Québec, c’est la Saint-Jean-Baptiste

La « Fête nationale du Québec », c’est une appellation introduite par le Parti québécois en 1977, afin d’unir encore davantage les Québécois de tous horizons autour de l’identité québécoise.

Or, la Fête de la Saint-Jean est une fête catholique à l’origine, et qui existe depuis beaucoup plus longtemps comme on peut le lire ici :

Le bûcher de la Saint-Jean se pratiquait jadis à Paris, les autorités de la ville se chargeant de son organisation. Le feu était traditionnellement allumé par le roi de France en personne sur la Place de Grève (actuellement Place de l'Hôtel-de-Ville), coutume qui perdura jusqu’en 1648, date à laquelle Louis XIV officia pour la dernière fois. -Wiki

Mais, il faut dire qu’une fête de la Saint-Jean-Baptiste fut, dès 1834, adaptée par Ludger Duvernay, imprimeur et acteur de la révolte des Patriotes de 1837-1838 (événements dépeints notamment dans le film de Pierre Falardeau « 15 février 1839 » sorti en 2001).

Sur les origines de la raison d’avoir choisi la Fête de la Saint-Jean comme fête d’appartenance à la nation « canadienne-française », on peut lire :

Au printemps 1834, Ludger Duvernay et plusieurs membres du Parti patriote participent à la première fête nationale des Irlandais au Bas-Canada. Cette célébration leur donne l'idée de créer un événement similaire pour les francophones du pays afin de les unir et de créer un sentiment d'appartenance à leurs origines.

En mars 1834, Ludger Duvernay, George-Étienne Cartier et Louis-Victor Sicotte fondent la société Aide-toi et le ciel t'aidera dont Duvernay est président. Les membres de cette société secrète se rassemblent et discutent politique et littérature. Ainsi, Duvernay a l'idée de récupérer la fête païenne du solstice d'été qui était souvent célébrée dans les paroisses du Bas-Canada et la Saint-Jean Baptiste devient la fête nationale des Canadiens français. Le Canadien, dans un article du 27 juin 1834, explique le choix de Saint-Jean Baptiste : " Il y a longtemps qu'on donne au peuple l'appellation de Jean-Baptiste, comme on donne à nos voisins celui de Jonathan, aux Anglais celui de John Bull et aux Irlandais celui de Patrick. Nous ignorons qui a pu donner lieu à ce surnom des Canadiens, mais nous ne devons pas le répudier, non plus que la patronisation (sic) que viennent d'établir nos amis de Montréal. " (Rumilly: 20). – Premier banquet de la St-Jean, 1837.qc.ca

Ceux qui sont moins familiers avec l’histoire de la Nouvelle-France, puis l’histoire du Québec, auront de la difficulté à faire la distinction entre « canadien », « canadien-français », puis « québécois ». Clarifions tout cela.

De la Nouvelle-France (1534) au « Québec moderne » en 2015

L’histoire du Québec se résume à presque 500 ans. Plusieurs périodes se succèdent : la « découverte » d’un territoire par Jacques Cartier d’un territoire déjà habité par les amérindiens, avec l’érection de la Croix de Gaspé le 24 juillet 1534. C’est là le début de la Nouvelle-France, qui sera formée par trois colonies :

- la colonie du Canada (mot qui vient d’une langue amérindienne aujourd’hui disparue, le Laurentien, et qui veut dire « village, établissement »),

- la colonie de l’Acadie, (le nom « Acadie » aurait été utilisé pour la première fois sous la forme « Arcadie » en 1524 par l'explorateur italien Giovanni da Verrazano, au service du roi de France François Ier1. Il désignait la péninsule de Delmarva, près de Washington, aux États-Unis, dont la végétation abondante rappelait à l'explorateur cette région grecque représentant un lieu idyllique pour les poètes2. Au XVIIe siècle, ce nom a été appliqué à une région correspondant à peu près aux actuelles provinces maritimes du Canada1. La lettre « r » aurait disparu à la suite des relations grandissantes avec les Micmacs, passant donc d'« Arcadie » à « Cadie » puis finalement à l'actuel « Acadie » -Wiki)

- et la colonie de la Louisiane (elle fut baptisée ainsi en l'honneur du roi Louis XIV par l'explorateur Cavelier de La Salle)

Ainsi, trois territoires de colons Français débarqués dans le Nouveau Monde existaient, avec leur gentilé : Canadien, Acadien, puis Louisianais.

De 1534 à 1763 (la Conquête anglaise), un « Canadien », c’est un Français. Les anglais, de leur côté (sauf d’extrêmes rares exceptions, ces exceptions très souvent catholiques anglophones), sont des sujets britanniques, et ne se reconnaissent pas dans l’identité « Canadien ». Bien sûr, ces Canadiens, Acadiens et Louisianais se reconnaissent d’abord Français appartenant à leur mère patrie d’Europe.

Puis arrive ainsi la Conquête : le « Grand dérangement » comme l’appellent les « Cajuns » (Acadiens)… : en Acadie, ça se passe en 1755 avec la Déportation des Acadiens, vers l’extrémité de la Louisiane, vers Bâton Rouge et la Nouvelle-Orléans, notamment. Le conte « Évangéline » ou un autre conte « Pélagie-la-Charrette » de Antonine Maillet, connu par tous les Acadiens encore aujourd’hui en témoigne (la plus grande partie de l’Acadie est maintenant le Nouveau-Brunswick, d'autres parties étant maintenant l'Île-du-Prince Édouard et la Nouvelle-Écosse). Pour les Canadiens, ça se passe entre 1759 et 1763, en se soldant avec la défaite du général Montcalm (Français) face au général Wolfe (Anglais) sur les plaines d’Abraham à Québec.

Puis rapidement, les colonies françaises sont symboliquement décapitées de leurs élites, qui certaines même, retournent en France, ayant perdu leur statut. Les élites sont remplacées par des élites anglaises, et une dynamique coloniale s’installe, dans la formule simple du colonialisme : Nous, versus Eux. Ou encore, Nous, et l’Autre. Bref : une élite qui ne se reconnaît pas du tout de ressemblance au peuple qu’elle domine. Une cinquième colonne érigée en tête dirigeante et toute puissante. (Voir les livres de Franz Fanon, « Les damnés de la terre » et autres sur le colonialisme.) D’ailleurs, sur cette situation coloniale, certains auteurs ont inventé le concept de « Nègre blanc d’Amérique » pour désigner les Français colonisés par les Anglais, Nègre ici étant une référence à l’esclavage aux Etats-Unis, notamment.

La Conquête anglaise, après déportation acadienne, prise de possession du territoire et des peuples conquis, s’affaire à casser ce qui fait le propre des Canadiens, avec notamment la Proclamation royale (anglaise) de 1763. Cependant, un mouvement révolutionnaire se prépare aux Etats-Unis qui aboutira en 1776 sur la Déclaration d’indépendance des nouveaux Etats-Unis d’Amérique. Les Anglais se rebiffent à Londres et en 1774 en faisant l’Acte de Québec, dans lequel les restrictions envers les Canadiens sont moins lourdes, qui leur permet de vivre en tant qu’eux-mêmes : catholiques et francophones. C’est que le pouvoir anglais avait peur de voir se liguer les canadiens aux bientôt-américains contre son pouvoir. À ce moment de l’histoire, qui sait, peut-être que le Québec aurait pu devenir un État américain.

En 1763, donc, les « Canadiens » deviennent la « Province of Quebec ». Notre nom actuel nous a donc été donné par des colons anglais, pris du nom de la ville de Québec, capitale de l’ancienne colonie du Canada. (Québec : (1601) Étymologie incertaine. Peut-être de l’algonquin Kebec, « le fond de l'estuaire », du radical kebh, et le locatif ek, « là où » ; ou du montagnais kepek (à l’impératif), qui a pour sens « descendez ». (Wiktionnaire) Certains disent que le mot amérindien d’origine voudrait dire « là où le cours d’eau se rétrécit ».

En 1791, la « Province of Quebec » change encore de nom pour « Le Bas-Canada », puis en 1841, 3 ans après la révolte des Patriotes, le Bas-Canada (le Québec actuel) est fusionné avec le Haut-Canada (Ontario actuel) pour donner le Canada-Uni jusqu’en 1867, année de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique (A.A.N.B.), ou, autrement dit, la Confédération canadienne actuelle, le 1er juillet 1867.

À partir de l’époque du Bas-Canada, donc depuis environ 1791, les « Canadiens » ont commencé à s’appeler les « Canadiens français », puisqu’il y a commencé à y avoir des « Canadiens anglais » (au Haut-Canada)… Le vocable « Canadiens français » est resté jusque vers 1970, lorsque le Parti québécois de René Lévesque a décidé d’encourager à ce qu’on se renomme les « Québécois », et non plus les « Canadiens français ».

Ainsi, de Français, à Canadiens (sujets du Roi de France), à Canadiens français (plus sujets du Roi), jusqu’à Québécois, l’identité de la nation où les « Français d’Amérique » sont encore majoritaires a fait du chemin.

Et on en réarrive à la Fête nationale du Québec

Une chose est certaine, encore en ce 24 juin 2015, soit 181 ans après la première Saint-Jean-Baptiste à saveur officiellement « Québécoise », c’est que le haut de la montagne, au Québec, s’appelle encore et toujours le « Golden Square Mile », qu’on y parle beaucoup plus anglais que français, et que la vieille dynamique installée depuis 1763 existe encore bel et bien. Cela se constate, que ce soit dans la détention des « capitaux », des titres de propriété, des héritages, de la propriété des beaux terrains, des abonnements dans les « Country Clubs » et autres. Le réalisateur dont nous parlions tantôt, Pierre Falardeau, a d’ailleurs fait un film sur le sujet, court et extrêmement incisif : « Le temps des bouffons », disponible en intégralité sur le web ici :

Film : Le Temps des Bouffons, de Pierre Falardeau. Ce film aborde la réalité du colonialisme anglais au Québec. URL: https://www.youtube.com/watch?v=jSfC9hc4ZfI




Si la Fête nationale du Québec existe, c’est parce qu’elle est née, en 1834, d’une nécessité ressentie par les gens de l’époque. Si elle se perpétue, c’est que l’euphorie et la magie qu’elle porte en elle, à chaque 24 juin, pour une journée au moins, nous donne le sentiment que tout est encore possible, collectivement, en tant que nation française en Amérique, que l’on soit Québécois depuis les temps Amérindiens, Canadiens, depuis qu’on est arrivé d’Irlande après la grande famine, depuis qu’on est arrivé d’Haïti, du Maghreb ou d’ailleurs. Le 24 juin, au Québec, les gens fêtent. Sauf ceux qui n’ont jamais été Québécois, pas parce qu’ils n’y ont pas été invités, mais parce que depuis 250 ans, ils perpétuent la dynamique coloniale anglophone, en refusant de parler français au Québec, et en disant « Speak White » aux Québécois (Speak white, en français « Parlez Blanc », est une injure proférée aux Canadiens français par les Canadiens anglais lorsqu'ils parlaient français en public. Cette expression péjorative est rarement utilisée de nos jours.), etc. Et attention ici : un nombre d’anglophones au Québec chérissent la langue française, la parlent et ne font pas partie de cette dynamique coloniale. Ne mettons pas tous les œufs dans le même panier.

En conclusion

Voici l’hymne national du Québec, chanté à chaque Fête nationale, et chanté également aux anniversaires des Québécois (peu de Happy Birthday au Québec !)

Vidéo : Enregistrement studio. Hymne national du Québec: "Gens du Pays". URL: https://www.youtube.com/watch?v=lHJ76KA7k4E




Vidéo : 1975. Hymne national du Québec: "Gens du Pays". URL: https://www.youtube.com/watch?v=PqCailScnFc




Bonne Fête nationale du Québec, bonne Fête de la Saint-Jean aux Français et à tout le monde!

Aussi, à nos amis Français du Vieux Continent, vous saurez maintenant qu'il ne faut pas nous appeler "Canadiens", "Canadiens français", mais bien "Québécois", étant donné que, du moins pour l'instant, c'est notre identité. C'est que, les Canadiens étant maintenant, en immense majorité, des anglophones en dehors du Québec, et qui ne sont pas de la même nation.

P.S. : Nous reparlerons de l’histoire du Québec dans un prochain article, où nous reprendrons la dynamique coloniale, puis la genèse des affirmations indépendantistes qui ont suivi.




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