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L'ampoule bannie

Les ampoules incandescentes bannies car trop énergivores

Posté dans Sujets de société — le 26 octobre 2014

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Les gouvernements du monde, d'un même mouvement, ont commencé à bannir les ampoules incandescentes pour les remplacer par les fluocompactes (CFL).

Cette décision est motivée par le fait que le ministère des Ressources naturelles du Canada considère ces ampoules trop énergivores. – Groupe TVA/Canoë/Reuters

Depuis qu’elles sont arrivées massivement sur le marché vers 2005, les fluocompactes « éconergétiques » ont commencé à connaître une popularité croissante. On vante leur qualité écologique, bonnes pour l’environnement et surtout, économiques. J’ai pu constater une chose en les expérimentant depuis des années, que ce soit en essayant des modèles chez moi ou dans des lieux publics : le sentiment de voir et de ne pas voir en même temps. Et de ressentir un grand malaise lorsque la seule source d’éclairage des lieux sont des fluocompactes.

Cela fait maintenant plusieurs années que les ampoules fluocompactes (les « CFL », j’utiliserai cet acronyme à l’avenir dans le reste de l’article) sont disponibles. C’est maintenant chose faite depuis janvier 2014 pour les ampoules 100W : leur disponibilité va passer bientôt à l’obligation totale de se tourner vers celles-ci, du moins pour la majorité de la population (car c’est le choix d’éclairage le plus économique). Pour les ampoules de 40W et 60W, vous avez jusqu’à janvier 2015, et les commerçants en vendront jusqu’à l’écoulement total des stocks. Donc à partir de la mi-2015, les incandescentes devraient être complètement disparues de la vente.

Ce qui est troublant dans ces décisions gouvernementales, c’est l’obligation. L’interdiction. Et c’est surtout parce que le produit de remplacement (les CFL), s’il peut être vrai qu’elles sont un produit moins énergivore que l’incandescente, ne remplace pas convenablement.

Explications.

Retour sur mon expérience : la lumière émise par une CFL n’est pas une lumière « naturelle », celle d’une incandescente l’est.

Notion de physique optique : la diffraction lumineuse. La lumière est à la fois une onde et une particule (un photon) (source : c’est la théorie de la dualité de la nature de la lumière).

La lumière naturelle est celle du soleil, qui est une lumière blanche. Lorsqu’on décompose cette lumière (diffraction), on obtient un arc-en-ciel : toutes les couleurs qui composent cette lumière. Pour le cas d’autres lumières, on n’obtiendra pas une forme d’arc-en-ciel, et c’est ce que nous verrons. L’instrument de physique qui est utilisé pour décomposer la lumière et analyser le spectre lumineux observé s’appelle un spectromètre.

Voici des résultats de spectrométrie :

C’est la lumière du soleil qui est décomposée ici. On le verra plus loin, le résultat d'un spectromètre d'ampoule incandescente est du même type. On peut observer un bel arc-en-ciel, avec toutes les couleurs, avec un fondu continu entre chacune des couleurs. (Les bandes noires sont les lignes de Fraunhofer. Elles correspondent aux molécules présentes dans l'atmosphère.)

Voici le spectromètre d’une CFL :

On peut clairement distinguer dans ce résultat qu’il y a des zones noires et certaines bandes de couleurs très précises, surtout les bandes vers le presque-ultraviolet et le violet. Le bleu-vert, vert et rouge-orange sont plus diffus. On a donc ici une lumière dans laquelle il manque des couleurs ! Cela ne ressemble pas à la lumière naturelle (la lumière avec laquelle on est habitués de vivre depuis des milliers d’années).

En constatant ces observations de physique, j’ai compris pourquoi j’avais l’impression de « voir en ne voyant pas » lorsque je suis dans un lieu où il n’y a que des CFL. J’ai compris que dans ces occasions, il y avait certaines couleurs que je ne voyais pas (les zones noires sur le résultat du spectromètre) et que mon cerveau faisait automatiquement le travail de reconstruction pour que ça ne paraisse pas trop. Mais ceci dit, en me laissant un sentiment de malaise que je ne comprenais pas bien. Cette explication me semble la bonne.

Voici d’autres résultats de spectromètre, dont celui d’une ampoule incandescente maintenant. L’image du dessous est le type d’ampoule analysée.

Celle de gauche est une incandescente, les trois du milieu sont des CFL, et celle de droite est une diode électroluminescente (une diode, une DEL, ou LED).

Notez bien ici que la seule des cinq à reproduire fidèlement la forme arc-en-ciel du soleil est l’incandescente. Toutefois, on peut observer que la DEL est très bonne performante et égale presque l’incandescente (pour le caractère diffus du spectre, mais on voit quelques crêtes plus concentrées, ce qu’on ne voit pas chez l’incandescente.)

Donc on retient que : les CFL ne produisent pas le même type de lumière que les incandescentes. Elles émettent des crêtes concentrées autour desquelles il y a des zones noires (absences de certaines couleurs du spectre). Ainsi, le cerveau effectue une reconstruction automatique des couleurs en ignorant malgré lui certaines couleurs. C’est ce qui explique le phénomène de la sensation de « voir sans voir ». Les CFL émettent une lumière non-naturelle qui peut amener un sentiment de mal-être et malaise. Ça vous est déjà arrivé ?

Le ballast électronique des CFL

Cette culasse (le pied, la base de l'ampoule qui se visse) émet une pollution électromagnétique. Cette idée touche particulièrement le débat sur l’électrosensibilité ou l’hyperélectrosensibilité, face auquel certains s’accusent d’être des farceurs, des fous, des hypochondriaques, et encore. Le présent article n’entrera pas dans ce débat pour l’heure (peut-être dans un autre article). Le seul point qu’on relèvera ici, c’est qu’il y a une pollution électromagnétique qui est émise par ces culasses. C’est indiscutable. Et cela n’est pas, dans le cas des ampoules incandescentes, qui ont un ballast qui n’est pas électronique. Les CFL, donc, ajoutent ces émissions dans votre environnement. (Rappel : Je n’ai pas dit si c’est nocif ou non, je dis juste que cela est.)

Durant le seul mois de mai, il a été vu 1 839 717 fois sur YouTube! Non, il ne s’agit pas du dernier clip vidéo de Madonna, mais d’un petit film de six minutes pas vraiment «sexy» a priori, puisqu’on y voit simplement l’aiguille d’un appareil de mesure de champ électromagnétique rester immobile à côté d’une ampoule traditionnelle, puis s’affoler lorsqu’on l’approche d’une ampoule fluorescente compacte (AFC). (septembre 2009, Protégez-Vous)

Sécurité et recyclage

Les fluocompactes (CFL) sont des petits tubes qui contiennent du mercure en forme gazeuse, du phosphore et un gaz rare (radon ou néon).

Le mercure est un métal lourd toxique qu’il faut éviter de faire entrer dans notre corps (poumons, peau…). Il s’accumule dans les tissus et cause de graves dommages à l’organisme. Ceci étant dit, lorsqu’on brise une CFL, les agences gouvernementales de santé recommandent d’ouvrir toutes les fenêtres de la pièce et de sortir pendant quelques temps, pour que la circulation d’air évacue le gaz de mercure. Ajoutons que la plupart des casseurs de quoi que ce soit dans la vie (verres, assiettes, jouets, et ampoules même) sont des enfants.

L’ampoule incandescente est différente : elle est vide ! Aucun gaz à l’intérieur, elle contient un culot en vitre au bout duquel se tiennent deux files qui tendent un filament de tungsten (un métal) la plupart du temps. Quand cette ampoule se brise, la seule précaution à prendre est de faire attention de ne pas se couper sur les éclats de vitre. Notons aussi : la DEL est vide elle aussi.

Pour ce qui est du recyclage des CFL, voici ce que le Globe and Mail canadien titrait le 20 janvier 2013 (traduction) :

Les installations traitant les déchets de mercure sont soit improvisées, soit inexistantes, alors que des millions d’ampoules contenant le très toxique produit chimique vont envahir le marché. -The Globe and Mail, janvier 2013

Le problème avec les CFL est qu’on ne peut pas les jeter aux poubelles, ou les mettre dans le bac de recyclage.

Il faut souvent aller soi-même les déposer dans un centre de déchets toxiques. Ce dit centre, on vient de le lire dans la citation du Globe, est dernièrement déficient, ou inexistant, face à la demande. Cela veut dire qu’en ce moment, il n’y a pas vraiment de manière convenable de se débarrasser des CFL brûlées.

L’argument énergétique et écologique

Le gouvernement a beaucoup misé sur le fait que l’utilisation d’une CFL représentait 75% d’économies d’énergie par rapport à une incandescente. Il faut aller plus loin que ça dans l’analyse de cet argument. Il faut se demander quelle utilisation dans quel contexte. En effet, on parle surtout de l’éclairage dans les milieux résidentiels, étant donné que les milieux commerciaux et les bureaux ayant connu la main d’un designer sont souvent éclairés par des halogènes et des DEL ou encore des tubes fluorescents (des grands néons qui ne donnent pas un éclairage fade qui rend mal à l'aise -le jour- parce qu'ils sont une source d'éclairage d'appoint, la source principale étant la lumière du jour donc le soleil).

L’ampoule incandescente est la reine de l’éclairage de maison : lampes torchères, lampes de chevet, lampes de lecture, plafonniers, lumière dans le réfrigérateur, lumière de la hotte du poêle… Ce sont véritablement ces lumières qui sont visées. Or, ces lumières ont justement la caractéristique d’être peu souvent allumées. C’est surtout le soir, et quelques minutes. Le jour, on n’ouvre pas vraiment les lumières. Donc à quel point cette consommation est-elle intense par rapport à la consommation totale d’éclairage ? C’est une question réelle qui remet en cause la pertinence de la mesure. Mais du coté énergétique, enchaînons maintenant vers le côté écologique de la mesure.

En effet, on a vu que pour se débarrasser des CFL, c’est écologiquement beaucoup plus compliqué que pour les incandescentes. Le seul point vraiment positif des CFL, c’est le wattage moins important, car elles ne font même pas de la plus belle lumière que les incandescentes. Il faut aussi dire qu’on fait une certaine économie de chauffage les nuits fraîches ou surtout l’hiver, lorsqu’on peut se réchauffer à proximité d’une incandescente. Les CFL n’émettent pas de chaleur. (D’ailleurs, je reviens sur l’idée du champ magnétique d’une CFL… Un rapport de l’Union européenne de 2008 a recommandé à la population de ne pas rester à moins de 30 cm d’une CFL à cause de ce champ magnétique.)

L’argument de la durée de vie

L’argument de la durée de vie est relativement farfelu, et vous allez comprendre pourquoi. On a dit que l’incandescente durait environ 1000 heures, et on a vanté que les CFL durent 10 000 heures. Ceci fait donc qu’avec des CFL, on remplace moins souvent les ampoules et on fait des économies !

Vrai, et faux. Pourquoi faux ? Parce qu’une incandescente n’est pas supposée durer seulement 1000 heures ! Coup de théâtre.

Avez-vous déjà entendu parler du Centennial Bulb, cette ampoule incandescente qui est allumée sans arrêt depuis au moins 110 ans ? Oui !!! 110 ans, soit presque UN million d’heures (965 000 h) !

Vous pouvez aller visiter ce site web pour constater : Centennial Bulb

Qu’est-ce que cela veut dire ? Que les ampoules ont commencé à durer aussi peu longtemps (1 000 heures) par la volonté de certains ! Pour tout comprendre de ce phénomène économique qui s’appelle l’obsolescence programmée (c'est volontairement faire en sorte qu'un produit de consommation brise rapidement pour que le consommateur en rachète un nouveau, pour motiver la consommation, ce qui est une forme de surconsommation), vous pouvez consulter l’article qui y est consacré dans la section des Sujets de société.

En somme, la durée de vie des ampoules incandescentes pourrait être beaucoup plus longue. S’appuyer sur cette donnée pour promouvoir l’interdiction des incandescentes est donc un faux-argument.

Les gouvernements et la nature

Tout ceci étant dit, mettre en place une mesure coercitive (une interdiction totale) est problématique surtout pour cette dernière raison…

Avant de bannir les ampoules incandescentes… est-ce que le gouvernement n’aurait pas d’autres problèmes beaucoup plus graves à résoudre face à la crise de l’énergie ?

D’ailleurs, il ne faut pas croire que ce serait si compliqué résoudre ces problèmes. On parle de problèmes tels que : l’obsolescence programmée, la surconsommation des ménages, la légalité de certains produits dangereux nocifs pour les écosystèmes, certaines pratiques non-respectueuses de la nature dans les industries, la catastrophe écologique (qui retourné dans le sens économique devient un jackpot plutôt qu’une catastrophe) des sables bitumineux proche de Fort McMurray en Alberta… La liste est longue. On pourrait parler de la fameuse phrase, qui est rendue comme un mantra : l’économie d’abord. La sous-question, c’est quand on demande ce que c’est que l’économie, et là on nous répond que c’est la croissance et la création de richesse. Mais en quoi, en 2014, avec le niveau de croissance et de productivité actuels, la croissance économique est-elle compatible avec l’équilibre des écosystèmes ? Les questions sont vastes face à la crise énergétique, et les réformes sont profondes. Faisables, en douceur même c’est possible, mais nécessaires. Les gouvernements nous offrent, dans toute leur splendeur, leur solution du début des années 2010 : bannir les incandescentes. Mais, disent-ils : vive la croissance ! Vive la surconsommation ! Vive l’obsolescence programmée ! … Sont-ils fous ?

Et voici un rappel de 2009, qui est la cerise finale, l'apotéose:

Face au lobby des fabricants d’ampoules fluocompactes (CFL) qui veulent «assassiner» l’incandescence, explique Alain Taillandier, d’Artemide France, il faut résister et ne pas oublier que l’ampoule fluocompacte offre très peu d’options de recyclage, que le mercure contenu dans une seule ampoule CFL est capable de contaminer 23 000 litres d’eau, que la fabrication de ces CFL nécessite de 3 à 10 fois plus d’énergie, que les fabricants de CFL sont les seuls commanditaires des études d’impacts sur la santé et qu’ils ne les communiquent pas, que la consommation d’énergie lumineuse ne concerne qu’à hauteur de 1 à 5% les consommations domestiques, que les lobbies poussent les gouvernements à mettre en place la conversion aux fluocompactes sans consultation du public et que cette conversion ne sauvera pas la planète. La qualité de l’incandescence n’a pas d’alternative même si les halogènes basse tension, les LEDs et les OLEDs (qu’Ingo Maurer, un grand designer, a exploités très tôt) procurent de nouveaux conforts d’éclairage…

L'auteur Taillandier qui écrit Sources en question dans le magazine Intramuros de juin 2009 reprend plusieurs des arguments que j'ai abordés. Lorsqu'il parle de la qualité de l'incandescence, cela renvoie à la qualité de la lumière, donc lumière naturelle (pas de zones noires dans l'arc-en-ciel), comparativement aux zones noires du résultat de spectrométrie des CFL.

Moi, avec tout ce qui vient d’être dit (ça fait le tour de la question), je préfère les ampoules incandescentes. J’espère que l’avenir nous les ramènera mais plus robustes, du genre du Centennial Bulb !

(Ah... et de grâce, si vous êtes propriétaire d'un endroit public (ou la personne en charge de l'éclairage dans un endroit public), n'installez pas des CFL dans votre établissement! Prenez les mois qui restent pour faire le plein de 40W et 60W... Ou alors tournez-vous vers les halogènes et les DEL... Je suis si mal à l'aise dans un endroit éclairé uniquement par des CFL... et je sais que je ne suis pas la seule personne. Merci!)




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