À VOS CERVEAUX
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La liberté

Clairement et tout simplement

Posté dans Sujets de philosophie — le 23 novembre 2014

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La liberté est l’un des concepts abstraits qui est plus difficile à comprendre que les autres et qui s’explique donc en plusieurs points. Même si ce mot est plus long à définir que la plupart des mots, il est possible de le définir très clairement et simplement. Voici donc une présentation de ces points, et ensuite la conclusion en ramenant tout ça dans un mot : la liberté.

Liberté absolue

Commençons par dire que la liberté, c’est d’abord une histoire de volonté. N’est libre que quelqu’un qui peut accéder à sa volonté.

La liberté absolue, c’est donc quelqu’un qui jouit totalement de l’accès à sa volonté individuelle.

Être libre absolument, c’est faire n’importe quoi, n’importe quand. Mais vraiment n’importe quoi. Ceci peut conduire à la fin de l’humanité. Ainsi, la liberté absolue est mauvaise, puisque dès qu’il y a communauté d’hommes (donc plus qu’une personne), il y a système social qui s’installe. Un système social est fondé sur l’idée d’une morale commune : nos libertés absolues individuelles se limitent à une liberté relative commune qui nous permet de tenir compte de l’autre dans la portée de notre volonté. Donc cela nous empêche automatiquement de faire certaines choses, cela dépendant des cadres moraux admis dans tel ou tel groupe social. Pour maintenir société, certains codes moraux sont universaux.

Si elle est néfaste en groupes, la liberté absolue est cependant possible dans la solitude absolue. Mais l’humain, on l’a observé depuis longtemps, est une créature qui recherche la présence des autres, et sauf pour de rares exceptions, ne recherche pas la solitude. La solitude lui tombe dessus plus qu’autre chose normalement, et encore, c’est une solitude relative puisqu’elle a court dans un monde social… C’est le phénomène d’être seul dans une foule (alone in a crowd) : pas de famille ni d’amis, mais avec des gens tout autour qui vivent leur vie sans se soucier de vous… Car la solitude totale, la solitude complète, est une réalité très dure à vivre (l’exclusion réelle longue et totale de tout contact humain, loin dans la nature), donc être exclu de toute proximité humaine.

Liberté relative primaire et secondaire

Donc, quand on parle de la liberté en société, on parle de la liberté relative.

Mais attention ! La liberté relative est elle-même dédoublée.

Il y a la liberté relative primaire, et la liberté relative secondaire.

La liberté relative primaire est simple à comprendre. En fait, c’est la liberté que tout le monde comprend simplement par opposition : je suis libre car je ne suis pas emprisonné. Je peux me mouvoir sur un terrain habité assez vaste avec mes deux jambes et autres moyens si je peux me les offrir, donc je suis libre.

C’est ce qu’on comprend intuitivement quand on parle de liberté. Mais la liberté, ce n’est pas ça. Ça, c’est seulement le minimum.

On verra qu’on n’est pas libre lorsqu’on a que ça.

L’exemple intermédiaire est le suivant : l’esclavage. Un esclave est libre de se mouvoir jusqu’à un certain point, de ses lieux d’ouvrage à ses lieux de repos, etc. Son maître lui ordonne son ouvrage, un minimum de nourritures, vêtements et autres produits de première nécessité pour permettre de se maintenir vivant et productif. Le prisonnier est en isolement, beaucoup plus reclus et limité que l’esclave. Ceci dit, les deux ne sont pas libres.

Alors, ces exemples étaient importants pour donner de la signification concrète aux idées.

Et pour passer au second point : la liberté relative secondaire.

La liberté relative secondaire est, on l’a vu, vécue dans le cadre d’une société.

Parlant de société et revenant sur la solitude de tantôt, n’oublions jamais ceci : un individu est toujours précédé d’une société. Un individu a toujours été l’enfant d’un groupe social quelconque, même abandonné. Et ce qui fait qu’un humain peut exister, c’est qu’il y a eu une société (via une ou des parents) pour le mettre au monde. Ceci étant dit, un humain est social. Et dans cet impératif d’être social, il doit obéir implicitement à des normes sociales : tout le monde le fait tous les jours. Ces normes passent par le politique, l’économique, le droit… Il y a des institutions qui imposent et modifient ces normes sociales. Et les individus vivent par rapport à elles. Donnons un exemple concret.

Exemple concret : société agraire

Dans une société agraire non-électrifiée de 200 personnes, avec des enfants, des vieillards, avec un taux de productivité normal pour ce genre de société… la plupart des individus s’adonnent à des tâches signifiantes pour le groupe : boulangerie, ferblanterie, pêcheur, chasseur, culture du coton, culture du blé, brassage de la bière, culture de la vigne, ébénisterie, médecine, poésie, sages, etc. Ces activités sont bénéfiques pour cette société agraire, chaque individu sait qu’il s’adonne à son activité pour le bien de son groupe. Les « sages » pensent afin d'optimiser le code de vie (une philosophie de l’action). Ceci dit, ces individus fournissent le temps nécessaire à faire ce qui est requis. Ce. qui. est. requis. Et tout a un sens. On le fait pour le bien de la communauté. Et parce que ça nous prend ce temps précis pour le faire. Mais quand on a fini, on ne continue pas sans fin.

Le mythe de Sisyphe

Connaissez-vous Sisyphe ? C'est ce personnage de la mythologie grecque qui a été condamné à pousser une pierre énorme jusqu’en haut d’une montagne, alors que cette même pierre redégringolait la pente lorsqu'il était à deux doigts d'atteindre le sommet, le condamnant donc à recommencer cette manoeuvre souffrante éternellement. Ce mythe dépeint métaphoriquement le travail inutile ou insignifiant. Et ceci est en fait une forme d’esclavage. Une condamnation sans fin à un effort qui n’a pas de sens.

Une idée de contrat social

Acceptons que la formation d’une société découle d’une volonté commune des hommes de se regrouper ensemble parce qu’ensemble, la vie sera plus facile que vécue seul. (...Et aussi, certainement, parce que la fin de la société est la fin de la reproduction humaine et donc la fin de l'espèce.)

Exemple concret : société électrifiée

Maintenant, prenons une société d’au moins 20 000 personnes où le taux de productivité du groupe est beaucoup plus élevé que dans la société agraire de 200 personnes, et que la division du travail est plus ramifiée (chaque personne a une activité plus spécifique et précise). C’est une société électrifiée qui connaît les machines. Dans cette société, seulement quelques centaines de personnes s’occupent de la nourriture. D’autres s’occupent de la production des autres besoins nécessaires, puis finalement, vu l’extraordinaire taux de productivité, une grande proportion du groupe n’est pas requis pour les activités de production nécessaires. Leur faire faire un travail inutile ou insignifiant nous renvoie à Sisyphe. Plutôt que de leur demander des efforts inutiles, que ceux du groupe qui souhaitent fournir des efforts à tel endroit le fasse, et que les autres se reposent. Ou fassent de la recherche, ou de l’art, ou toute autre activité pour le bien de la communauté.

Tout ceci veut dire quoi par rapport à la liberté ?

Tout ceci renvoie à la liberté relative secondaire, sans laquelle on ne peut pas être vraiment libre.

C’est cette liberté qui est si importante à maintenir ou obtenir.

C’est donc, en fait, le fait d’appartenir à une société dans laquelle on a droit à une place épanouissante et qui permet aux individus de contribuer à leur mesure à la communauté. En effet, il ne suffit pas d’être libre de ses mouvements dans un environnement social. Pour être libre, il faut aussi que ce groupe auquel on appartienne puisse nous permettre une place épanouissante et une place qui ne renvoie pas au mythe de Sisyphe : une place d’un travail éternel et qui, au final… ne sert strictement à rien.

Ainsi, pourquoi certaines personnes parlent parfois de notre société en utilisant les mots « esclavage moderne » ?

Parce que dans la société qui est la nôtre, l’idée de la nécessité du travail est vue comme un dogme. Comme le « plein emploi ». Ainsi, le paradis terrestre pour les gens qui supportent ce dogme serait que tout le monde travaille? Mais travailler pour faire quoi ? Servir des Big Macs ? ou des Whoppers ? ou coudre des jeans ou des t-shirts qui seront dans les poubelles dans 6 mois ? faire de la nourriture qui à 50% termine dans les conteneurs pour invendus en Occident ? Pour un salaire qui équivaut au seuil de la pauvreté (18 000$ par année à 35-40 heures par semaine au salaire minimum) ?

La logique actuelle de notre système, c’est de produire pour produire, et non pas produire pour un besoin réel. Ça veut donc dire que certaines personnes passent leur vie à produire un travail qui ne sert à rien. Ils sont donc « condamnés » à vendre leurs heures de vie pour rien véritablement, autre que pour être payé pour le faire. En effet, ces personnes échangent les heures de leur vie contre de l'argent, qui leur permet de subvenir à leurs besoins. Puisqu'ils ne peuvent pas vivre sans argent, ils sont obligés de travailler pour en avoir. Ils sont donc contraints de travailler. Et quand la seule raison au travail devient l'idée elle-même qu'il faut travailler et que le travail est inutile ou alors dévalorisant, alors on est incontestablement dans une situation d'esclavage moderne.

Est-ce qu’on est venus au monde pour travailler ? Non. La vie est beaucoup plus que passer 30-40 ans derrière un bureau ou un comptoir, sachant ou ressentant que, finalement même, la société aurait pu tout à fait se passer de notre « emploi »… On a vendu notre vie à petit prix pour faire une tâche dans laquelle on s’est jamais bien senti, pour un salaire minable, avec des personnes qu’on n’aime parfois pas.

Enfin, on aura donc gaspillé notre précieux temps de vie à une activité machinale, abrutissante ou inutilement souffrante... pour justement, aucune véritable bonne raison. Attention, ceci est vrai dans une société hyperproductive (ce qui est notre cas). Néanmoins, notons qu'il reste certaines activités de production importantes ou très stimulantes et valorisantes et les personnes qui les pratiquent se sentent utiles à la communauté et le sont véritablement, effectivement.

Rappelons-nous que la liberté ne peut pas être l’absence de contrainte, comme on l’a expliqué au début de l’article, car il y a toujours des contraintes fondamentales dans la condition de l’homme. Le meilleur exemple est celui-ci : respirer. Nous sommes, par notre biologie, forcés à la respiration. En se détournant de cette contrainte, on ne peut plus vivre. C’est la même chose pour les besoins tels que la nourriture, le vêtement et le toit, pour la plupart des hommes. Et la société vient nous aider à répondre adéquatement à ces contraintes.

Ainsi donc, la production économique humaine devrait essentiellement être orientée vers ces besoins en priorité : nourrir, vêtir, abriter… Puis la structure de la société devrait permettre la facilité d’accéder à des relations d’affection, d’entrer en contacts agréables et menant aussi à du divertissement. Mais une fois que les besoins sont remplis ? Surproduire ? Se tuer à un ouvrage inutile sous prétexte de « gagner sa vie » ? Qui m’a pondu une connerie pareille ? Et qui est assez tata pour y adhérer aveuglément ? Ça rejoint, encore une fois, le mythe de Sisyphe. Comprenez bien le lien entre la liberté et le travail utile. La liberté renvoie donc, en société (dans sa forme de liberté relative), à l’idée de disposer d’une bonne période de temps pour soi-même, afin de vaquer aux activités auxquelles on a la libre volonté de participer. Une société qui nous vole tout notre temps à nous monopoliser sur une tâche inutile ou quasi-inutile la majorité de notre temps, c’est une prison. Comprenez-le bien. Et c’est ça, l’esclavage moderne. Et oui, cinq jours semaines 8 heures par jour, c’est la majorité de votre temps. En fait, si vous dormez normalement (environ 8 heures), c’est quasiment tout votre temps de vie éveillée et consciente pendant vos décennies les plus lucides.

Donc en conclusion

La liberté n’est jamais absolue lorsqu’on est en société.

Rappelons que ce à quoi on aspire quand on parle normalement de la liberté, c’est à la « liberté relative secondaire ».

La liberté, ça implique donc premièrement pouvoir se mouvoir selon sa propre volonté dans un environnement social. Ça implique deuxièmement d’appartenir à une société (une communauté politique) dans laquelle les individus peuvent s’épanouir pleinement, notamment en n’étant pas soumis au travail inutile ou finalement que cette communauté politique ne soit pas soumise à la domination d’une puissance étrangère hostile (sévissant à l’intérieur de façon occulte ou de l’extérieur).

Dernière note : N’oublions pas qu’une communauté politique libre (peuple libre) a les moyens de s’auto-déterminer dans son avenir et garantir sa sécurité, sa reproductibilité et sa stabilité dans la mesure de son possible dans son présent.




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